Un candidat évincé peut produire le RAO obtenu illégalement à l’appui de son référé précontractuel
CE, 9 juin 2021, Sté Lorany Conseils, n°449643
Le Conseil d’Etat vient, dans sa décision, de confirmer l’annulation de la procédure de passation du contrat de concession de services pour l’exploitation du « terminal multivrac » du Grand port maritime du Havre à la société Lorany Conseils (voir l’ordonnance du TA de Rouen commentée sur ce site) pour erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse des capacités financières de l’attributaire. A cette occasion, le Conseil d’Etat confirme qu’un candidat évincé qui a obtenu par des moyens détournés le RAO de la procédure peut valablement le produire à l’appui de sa requête : « Si la société Lorany Conseils soutient en premier lieu que le juge des référés du tribunal administratif de Rouen s’est à tort fondé sur des pièces communiquées par la société Gimarco en violation du secret des affaires, cette circonstance n’est pas de nature à entacher d’irrégularité ni d’erreur de droit son ordonnance, dès lors que ces pièces ont pu être discutées contradictoirement par les parties ». Cette solution avait déjà été prise par plusieurs juges de première instance, et vient donc d’être confirmée par le Conseil d’Etat.
Cette position fait toutefois naitre un paradoxe puisqu’un d’un côté le juge ne peut pas enjoindre l’acheteur à transmettre le RAO en référé (jurisprudence constante) puisqu’il s’agit d’un document préparatoire tant que le marché n’est pas signé, mais dès lors que ce document est entre les mains du requérant, il peut le produire allègrement…. Il serait donc temps de faire évoluer la jurisprudence sur la communication du RAO.
Et ce d’autant que le Conseil d’Etat reconnaît que cette production par le candidat évincé pourrait avoir des conséquences sur la prochaine procédure de passation, bien qu’elle soit effectivement sans incidences sur la procédure contestée: « le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur sur la qualification juridique des faits en estimant que ses intérêts [de la requérante] avaient été lésés par les manquements qu’il a retenus, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la divulgation d’informations confidentielles contenues dans le rapport d’analyse des offres, dans le cadre de la procédure contradictoire devant lui, était susceptible de porter atteinte à l’égalité entre les candidats dans le cadre d’une éventuelle nouvelle procédure de passation, à brève échéance, de la concession en litige. En effet, une telle circonstance, qui pourrait affecter la légalité de la nouvelle procédure susceptible d’être mise en œuvre, est en elle-même sans incidence sur celle de la procédure contestée ».